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...est pour moi
un art de vivre… qui me permet de capturer ce que voit
mon œil et le transmettre… c’est gratifiant,
car le regard s’exerce à mieux voir les merveilles
que la nature nous offre quotidiennement et qui varient au
gré du temps, des saisons et des lumières des
jours et des heures !
Le moment que je privilégie est bien
sûr la tombée du jour, lorsque les lumières
deviennent pour un moment plus chaudes, mais un peu avant
aussi, lorsque les ombres sont plus longues et caressent avec
tendresse le paysage le recouvrant d’une lumière
chaleureuse… à chaque promenade c’est une
nouvelle découverte, le regard, tout comme le soleil,
ne se pose jamais deux fois de la même façon
sur ce qui l’entoure, ni ce qui le frappe n’est
semblable… c’est une émotion à saisir,
à cueillir, à accueillir et vivre pleinement
!
La caméra, ou appareil photo, est mon
fidèle compagnon, il m’offre un regard complice
et créateur, car si l’œil voit, l’appareil
revisite et interprète… sait-on seulement que
notre œil voit tellement mieux que n’importe quel
appareil au monde, mais qu’il ne peut enregistrer que
pour lui-même… la photo permet de partager au
reste du monde un instant magique, un instant qui ne reviendra
plus, pas au même moment, pas de la même façon,
et pas avec la même émotion… Le mot est
lâché : pour moi photographier c’est accueillir
une émotion chaque fois renouvelée, c’est
ce bonheur de vivre plus pleinement, d’admirer les tableaux
somptueux et éphémères, mais néanmoins
merveilleux, que le Créateur dessine chaque jour nouveau
dans la nature… savons-nous seulement lever les yeux
vers un magnifique coucher de soleil qui darde ses rayons
sur la ville, savons-nous regarder et découvrir les
oiseaux qui chantent alentours… savons-nous accueillir
toute cette beauté qui émerveille notre cœur
d’enfant - si on a pu le garder ainsi - et réchauffe
notre cœur, comme un hymne à la vie ?!!
Photographier, c’est être témoin,
c’est rendre témoignage de ce qu’on a vu,
et de ce qu’on en a fait : une émotion active,
vitalisante…
Ma passion pour la photo est de toujours.
Depuis mon enfance, artiste dans l’âme, j’ai
manifesté un talent certain pour le dessin –
pour lequel j’ai remporté deux fois le premier
prix à un concours dans mon enfance – ainsi que
pour l’écriture, et tout ce qui permet d’exprimer
les émotions humaines les plus importantes pour l’homme
et la femme. Passionnée par la vie, par ce qui meut
et émeut les êtres humains, en particulier ceux
et celles qui savent donner d’eux-mêmes pour que
ce monde devienne plus vivable, j’ai découvert
par la photo un moyen de faire corps avec ce qui m’entoure.
Si j’ai commencé il y a plus
de 10 ans par exercer ma passion de la photographie lors de
promenades dans les parcs de Genève, ainsi qu’au
bord du lac, découvrant à ces nombreuses occasions
les multiples variations que nous offre la lumière
toujours changeante, suivant durant le premier trimestre 2000
un cours de photographie pour acquérir les connaissances
techniques indispensables, ce n’est qu’en 2003
que je me sens vivement interpellée à passer
de manière sérieuse à la photo de personnes…
et c’est alors une véritable révélation
: photographier une personne, quel que soit le degré
de connaissance préexistant, est toujours une rencontre
de qualité, un moment magique, un don réciproque
qui permet la création d’une série de
photos totalement inédites !
A chaque fois c’est une émotion
qui recommence, le bonheur de saisir des instants fugitifs
en en fixant la beauté, le langage d’une expression
personnelle unique, qui se manifeste souvent de manière
très variée, chacune révélant
un aspect nouveau et différent de la personnalité…
Lorsqu’on a la chance de pouvoir emmener
son sujet dans un beau parc, par un bel après-midi
ensoleillé, comme je le fis fin 2004 avec Benedetta,
il en ressort une complicité évidente entre
la photographe et son modèle, chaque photo étant
une histoire en soi, de par l’expression à chaque
fois différente, les moues, les regards, les attitudes,
et la composition avec le milieu environnant, et les lumières
changeantes selon les moments de l’après-midi,
qui viennent baigner le visage et sculpter leur œuvre
de beauté par-dessus la beauté intérieure
et physique évidente du modèle.
Mon expérience à ce jour me
permet de dire que l’essentiel est d’établir
cette communication avec le sujet qui désire être
photographié, en lui donnant confiance qu’il
ou elle peut se sentir à l’aise, se laisser être
soi-même, se permettre de vivre ses émotions
et révéler ainsi des aspects de sa personnalité
qui seront mis en valeur, le mieux possible.
Il y a ainsi entre le modèle et la
photographe, une relation privilégiée, celle-ci
permettant l’essor de ce qui aboutira à un véritable
voyage dont il restera des traces : des mises en scène,
aussi spontanées qu’improvisées, l’essentiel
étant de permettre au sujet de donner le meilleur de
soi-même, tout en laissant la photographe tirer parti
des éléments qui s’offrent dans le paysage
et dans les lumières qui varient au fil des heures
et parfois des minutes, si le temps est changeant. Réaliser
un reportage photo dans ces conditions, en dehors de tout
studio, est un gage de spontanéité, de créativité,
de participation active de la personne photographiée,
et à l’évidence de la photographe, qui
déploie alors une énergie importante et gratifiante,
dynamisante : aucune photo ne sera jamais semblable à
une autre, car il s’agit de fixer la matière
humaine et ceci dans un cadre vivant de la nature, en tirant
parti de détails du décor, tels une fontaine,
un muret, des fleurs, un escalier, une petite cascade, un
banc, un chemin, une maison, bref, une mise en scène
dans laquelle le sujet se surprend à raconter une histoire,
comme si c’était son propre film…
Rien n’est jamais imposé, mais
seulement suggéré, la photographe attendant
l’instant magique pour déclencher la photo…
parfois le doigt prêt dans l’attente durant de
longues secondes ou minutes… le dialogue est important
pour ne jamais laisser le sujet se figer dans une timidité,
une gêne, ou une attitude non naturelle… la rapidité
de réactivité de la photographe aussi, est un
élément capital, pour saisir dès qu’elle
apparaît - avant qu’elle ne se fige dans autre
chose qui la masquerait, la ferait disparaître - cette
expression magique qui, même si elle a l’air si
évidente et naturelle, est justement le cadeau que
modèle et photographe se font en cet instant précis,
cadeau qui se renouvelle dès la photo suivante.
Photographier des personnes m’est vite
apparu comme le meilleur moyen d’entrer en contact sans
même les connaître : mon œil et celui de
la caméra réunis les devinent… ! Ce regard
que je pose sur elles, à chaque fois, est un regard
que je n’hésite pas à qualifier de «
regard d’amour » ! C’est quelque chose de
gratuit, qui oscille entre l’admiration et le désir
de faire naître une confiance nouvelle, de se découvrir
et de s’offrir le luxe du naturel… une photo réussie
est souvent si évidente dans sa lecture qu’on
en oublie combien de paramètres ont été
indispensables pour parvenir à une telle réussite.
Les photographes qui m’ont marquée,
enseignée, par l’observation émerveillée
et reconnaissante de leur œuvre, de leur talent, sont
notamment Galen Rowell, qui avait découvert avant d’autres
l’importance d’aller à la rencontre de
la lumière, de l’attendre mais aussi la faire
surgir dans un paysage, en devançant le moment possible
où elle risquerait d’apparaître…
par une observation attentive des évolutions de la
lumière au fil des heures et des saisons, dans un lieu
donné. Etre présent au bon moment est un art
qu’il a développé… mettant la technique
et l’observation attentive des circonstances au service
de cette lecture spéciale qu’il désirait
pouvoir vivre : la rencontre avec cette magie de la lumière
qui transforme soudain tout ce qu’elle touche, et fait
d’un paysage un univers à part, de rêve,
de beauté sublime, éphémère et
non moins réelle, et qui nous parle de transcendance.
De la même façon cette lumière
peut, en portrait, jaillir de l’intérieur de
la personne, et tout l’art de la photographe est de
parvenir à susciter cet élan, ce jaillissement,
cette libération qui aboutiront à la mise en
valeur de ce que la personne porte en soi !”
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Loretta
Arlotti |
août 2007 |
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